Les Contes noirs du golf, par Jean Ray
par Jacques VAN HERP


Sans Maurice Renault, ce livre de Jean Ray fût demeuré inconnu. L'auteur n'en parlait à personne. Ses meilleurs amis l'ignoraient, et quand fut rédigés la bibliographie du n° 126 de Fiction, il n'en souffla mot. Heureusement, il en avait donné le manuscrit à Maurice Renault qui la sortit d'un tiroir et le fit publier. C'est un ouvrage un peu particulier, ouvrage de commande, où Jean Ray se révèle virtuose du métier. Il lui était imparti à chaque parution une page de la revue Golf, pas une ligne de plus, pour entamer, conter et boucler son conte. Et il s'y plia avec une aisance stupéfiante, une maîtrise qu'on ne découvre qu'à la seconde lecture. C'est alors, avec étonnement, que nous découvrons que pas un personnage n'est décrit, et que si nous les avons vus le dialogue seul en est la cause.

Encore n'avons-nous pas le Jean Ray pur, le rédacteur de la revue s'étant plu à le corriger, éteignant avec application ce que le style pouvait avoir de trop original et de trop coruscant, rabotant avec conscience quelques notations d'atmosphère et quelques dialogues. N'importe, Jean Ray l'a supporté, donnant un échantillonnage complet de toutes ses possibilités : fantastique, humour noir, récits cruels, tout ce qui est proprement le lieu géométrique de ses thèmes. Si mes préférence vont à Hécate au au conte si féroce qu'est Le septième trou, cela ne veut pas dire que les autres soient médiocres. C'est un Jean Ray mineur certes, mais qui écrase toujours bien des ouvrages similaires.

Et il y a encore ceci : dans aucun titre de ses ouvrages, Jean Ray ne s'est livré à ce point. Sans doute a-t-il déclaré vouloir se venger du golf, lui qui en était si médiocre joueur, et vouloir montrer que tous les joueurs de golf sont des intoxiqués, mais il était à l'âge également des confidences. Ainsi, le premier conte, 72... 36... 72, surprendra, car voici un récit purement sentimental, conté sans sècheresse comme sans mièvrerie. Jean Ray sentimental : voilà qui étonnera ceux ne connaissant l'auteur que par sa légende. Jean Ray avait une légende, et il était l'homme de sa légende, mais il n'était pas que cela.
Au travers de ces pages je retrouve sa voix rocailleuse, son rire franc et gai, je le retrouve avec sa gentillesse, son amour des bêtes et des enfants, qu'il apprivoisait pareillement, sa fidélité, son dévouement à ses amis, car lui qui nous dominait tous ne jouait pas au pontife ; il était toujours là pour un conseil, un coup d'épaule.
Tout cela transparaît dans ces contes, d'un ton plus apaisé, mais où vibre la haine de toute méchanceté, de la bêtise satisfaite, de ceux qui s'en prennent à l'enfance. Ouvrir les Contes noirs, c'est plus que lire un recueil de contes de Jean Ray, c'est aller à sa rencontre.

Les Contes noirs du golf par Jean RAY : Marabout, 3 F.


© Jacques VAN HERP, reproduit avec son autorisation.



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